Peaux d'épines - Hannibal.

IT'S KIND OF FUNNY TO BE WITH YOU

carbone x hannibal

Je ne m'attendais pas à ce qu'il soit si lent à réagir. J'aurais imaginé le voir bondir à ma gorge et me ruer de coups pour l'affront que je venais de lui faire. Cependant il n'en fut rien, du moins pas exactement. Tandis qu'il reste collé au mur, je reste collé à mes pensées les plus folles.

Ce n'est que lorsqu'il se retourne que je peux lui trouver sur le visage les mêmes vagues submergeant mon être depuis un moment maintenant. Ou peut-être est-ce une hallucination, peut-être est-ce ce que j'espère voir ? Non. Jack, non ! J'en ai assez de couler, d'émerger, de couler et d'émerger encore... C'est une boucle sans fin, c'est épuisant.

Pourtant... En dépit de mon souhait de faire taire mes étranges idées et pulsions, je m'efforce de savoir si celles-ci se logent également dans ses yeux ? J'ai déjà du mal à admettre les miennes, comment pourrais-je reconnaître celles d'un autre...

Je tique, passablement contrarié par ma lutte entre raison et envies. C'est à l'instant où je m'apprête à m'allumer une énième cigarette qu'il m'attrape au col et me fais tomber à terre. Je ne suis qu'à demi surpris - je m'attendais tôt ou tard à une réaction. La douleur en revanche ne pourra jamais faire autrement que de me surprendre. Ma gorge se libère d'un râle amer. Ainsi à califourchon sur moi, c'est ma cuisse fraîchement brûlée qui en pâti mais pas que... De sentir tout son poids peser sur la partie de mon corps que j'ai le plus de mal à calmer, c'est l'enfer.

J'essaye de me dégager mais l'ombre de son poing me dévore déjà. Je ferme les yeux, prêt à encaisser. Coup de chance ? Il s'arrête. Je ne comprends pas et si mes prunelles se fixent aux siennes, je n'en trouve pour autant une explication satisfaisante. « Ouais. J'aime bien. » Je reste pantois, cousu par une moue interrogative. Les secondes suivantes, une décharge déplaisante m'envahit depuis le nez.

Que...

Altered... Il est Altered. Je l'avais presque oublié et honte à moi car ce n'est pas faute d'avoir lu et relu son dossier au cours de ces dernières années. « Mais pas autant que la vengeance que je vais te préparer. Car cette fois, ce sera un incendie. » Son sourire est étrange, il est perlé de rouge. Sa voix est étrange, elle est teintée de gêne. Hannibal... Est-ce de ma faute ? Ai-je été trop loin ? Imperceptiblement je lève une main - et je ne sais pas pourquoi - je crois que je veux les toucher, ses lèvres...

Mon geste s'éteint aussi tôt qu'il se lève. Je ne tarde pas à faire de même. Il serait resté quelques minutes de plus, mon entre-jambe ne m'aurait plus écouté et cela me fait foutrement peur.

Me rasseyant sur le canapé, je tente au mieux de contenir les frissons qui s'étirent de ma tête à mes talons... Qu'est ce qui ne va pas putain... Je ne suis pas de ce bord là, je ne le suis pas. C'est impensable, inimaginable. J'ai beau me le répéter, rien n'y fait j'ai... Non. Vite, une cigarette.

Tandis que je l'allume et recouvre un semblant de calme, Crapule monte sur mes genoux. « Si Marie et Ellen nous voyaient...» Il rit. Je le regarde, d'abord décontenancé puis finalement conquis d'une chaleur tendre. Je me joins à son rire. C'est vrai, que diraient-elles si elles nous voyaient ? Se moqueraient-elles, sans doute.

Je suppose qu'elles doivent sans cesse soupirer de nous voir à ce point irrécupérables.

Je me frotte l'arrière du crâne, amusé par le visage exaspéré de Marie qui flotte à la surface de mes souvenirs. Depuis quand n'avais-je pas pensé à elle de manière douce ? Sans y attacher la douleur de sa perte ou la culpabilité qui s'en dégage ? C'est de son fait... C'est son influence. Hannibal.

Il m'annonce ensuite qu'à moins que je ne lui demande un service, il ne peut rester davantage. J'ose l'admettre, j'ose le concevoir : cela m'attriste. Je n'ai pas envie qu'il me quitte. Cela a quelque chose de presque déprimant et l'idée de me retrouver à nouveau seul dans mon appartement me noue l'estomac.

Je ne peux me permettre de le lui faire ressentir, ce serait mal venu - sans doute. Alors j'assujettis la peine désirant teinter ma voix et force un sourire sympathique.

Tu me remercieras la prochaine fois que nous nous verrons. Je pense que d'ici là j'aurais trouvé une besogne pas trop coûteuse en réflexion histoire que ton cerveau ne lâche pas. Je ris, un peu moqueur.

Je me lève, Crapule dans les bras et me dirige vers lui.

Car prochaine fois il y aura, j'y compte bien. Tu peux y aller, je ne veux pas te retenir plus longtemps.

Mon sourire s'étire, cette fois-ci franc et affectueux. Après une légère tape sur l'épaule - je ne suis pas doué pour illustrer un au revoir - je tourne les talons et disparaît dans ma chambre. Je ne suis pas non plus doué pour regarder quelqu'un que j'apprécie partir.