everybody wants to be a cat | Hannibal & Zephyr

Zephyr restait persuadé que si ce n’était pas les robots tueurs qui avaient pris le contrôle du monde, ça aurait été les chats. Non pas qu’il n’aimait pas les félins, mais plus qu’il s’en méfiait. Les gens du passé ne s’était pas méfiés de leurs micro-ondes, lui savait très bien comment ça s’était terminé. Mieux valait garder la dangerosité de potentiels ennemis à l’esprit. Surtout quand c’était une forme de vie intelligente dont on retrouvait des traces de la malice de l’Egypte antique à son invasion des premières formes de communication web du 2ème millénaire.  Peut-être que les robots étaient à leur solde, que le problème informatique qui avait causé la dévastation du monde tel que Zephyr l’avait connu était en fait un élément du plan de domination des chats.
C’était sans doutes aucuns, quelque chose à garder dans mémoire pour changer les évènements à venir.

En tout cas, c’est à quoi pensait Zephyr, accroupi en face d’un matou qui faisait tranquillement sa toilette, absolument pas dérangé par l’étrange énergumène qui le fixait. Quel était le degré d’intelligence réel de cette créature ? Aucunes des analyses que Zeph avait fait ne laissait penser qu’il s’agissait là d’un être à l’intelligence supérieure. Soupir. Peut-être que les chats n’étaient pas la solution. Il fit craquer les articulations de ses doigts avant de caresser la bête, qui, pas farouche, se laissa faire. Hm, étrange. En temps normal, ce n'était pas le cas. Tout indiquait que c’était donc un chat habitué à la présence humaine et non un Felis silvestris. Ou chat sauvage, pour faire plus simple. Peut-être que le maitre du félin était donc une personne liée au complot des chats, et donc à celui des robots ! Zephyr se redressa avec un sourire satisfait et attendit, bien gentiment, que le chat reprenne sa route vers son domicile.

Suivre un chat n’était pas une chose aisée, quand on était bien plus grand et par conséquemment moins à même de passer partout qu’eux. Ou alors c’était un job de Valhalla et Zephyr n’en était pas un.
Etrangement, au bout d’un moment, le chemin commençait à lui être familier, mais impossible de savoir exactement pourquoi.  Enfin, la solution lui vint assez rapidement. Surtout une fois en face de la porte. C’était le logement de celui qui était devenu son boss il y a quelques temps.  Et que Zephyr ne voyait absolument pas être à la tête d’un plan machiavélique à base de chats et de robots. D’ailleurs, quand il avait vite fait abordé le détail du futur – sans entrer dans les détails – avec Hannibal, ce dernier n’avait absolument pas eu l’air intéressé. (C’était d’ailleurs un point sur lequel Zephyr devrait travailler.) Mais pour l’instant il n’avait aucune raison d’être devant ce palier, avec un chat qui grattait à la porte, et il fallait qu’il parte avant qu’elle s’ouvre eeeeeeet trop tard. « Ah…heu…bien le bonjour patron…quelle…heu...belle journée ? » Les salutations n’étaient pas son fort, et aujourd’hui confirmait la règle.

Il était aussi ronchon, Hannibal. Ou alors c’était sa tête qui donnait cette impression. Mais Zephyr était certain qu’il n’était pas du genre à distribuer des glaces aux gamins déguisé en licorne. Définitivement pas. D’ailleurs cette image  mentale lui tira un sourire qu’il cacha immédiatement sous son poing, sous une toux. Il valait mieux éviter de se le mettre définitivement à dos. Déjà que ça avait l’air mal parti. Pourquoi suivait-il le chat ? Très bonne question. Bien entendu, Zeph pouvait lui dire la franche vérité : Pour découvrir si les chats complotent de manière à ce que les robots massacrent l’espèce humaine dans quelques siècles. Mais ce genre de réflexions, il l’avait appris avec l’expérience, n’était pas bon pour son image. Non pas que cela le dérangeait de se faire voir comme un fou par les autochtones du passé, mais cela pouvait être embarrassant pour la suite de sa mission. Et puis bon, Hannibal D.J Somerset n’était pas vraiment le genre de personne qui aimait que l’on se fiche de sa gueule.  Zephyr n’aurait pas parié d’argent dessus – notamment car il n’en avait pas – mais tout simplement car cela lui semblait une évidence.

Que dire alors ? Il aurait pu faire faire un gros bon dodo à son patron, le border dans son lit, avec un nounours pour le réconfort, et tout serait passé crème…Jusqu’au réveil du dit patron. Et puis après il ne voulait même pas imaginer ce qui pourrait se passer. Mauvaise idée donc. Pour influencer le futur, il valait mieux survivre au passé. Donc trouver autre chose qu’endormir le chef d’un gang…surtout le chef de son propre gang. Zephyr avait eu le temps d’analyser les dynamiques politiques traversant la ville, et si il devait assassiner quelqu’un pour influencer les temps à venir, ce ne serait pas Hannibal…Ou en tout cas pas tout seul, ou pas tout de suite. Il fallait donc trouver quelque chose d’autre.

Et vite, si possible, car bon, rester silencieux comme ça à essayer de trouver une idée, c’était clairement pas non plus la bonne attitude à avoir. Il se passa une main à l’arrière de la tête, pour signifier la gêne (il avait vu que les gens du 3ème millénaire avait cette habitude et l’avait vite attrapée à son tour.) « Que nenni… enfin, ce n’était point volontaire ! J’ai juste vu ce chat, magnifique par ailleurs, - tel maitre tel animal, ne dit-on pas ? Et peut-être porté par une volonté sans doute inconsciente de suivre cette superbe créature, mes pas se sont calqués sur les siens…Et me voilà ici ! »

C’était une genèse claire et classique pour expliquer sa présence. Bien joué. En plus il avait pu utiliser un vocabulaire un peu ancien, alors sans doute que cela passerait crème. Toutefois, il n’était pas certain d’avoir entièrement convaincu son patron. « Loin de moi l’idée donc de venir vous déranger, boss, vraiment. » Il secoua vigoureusement la tête pour appuyer ses propos, évitant religieusement les pupilles de son chef. C’est à ce moment-là que trois autres chats sortirent de l’habitation, créatures curieuses sans doutes attirées par l’évènement de la journée. L’un d’eux se frotta même contre le pantalon de Zephyr. « Vous avez…beaucoup de chats. » Oui, juste remarque, c’était inattendu. Peut-être s’était-il trompé sur le compte de Hannibal, peut-être que ce dernier n’était pas juste un chef de mafia, mais bel et bien un acteur d’une conspiration qui se jouait potentiellement depuis des millénaires et sur encore plusieurs siècles.

Zephyr pouvait comprendre le scepticisme de certaines personnes concernant ce que pouvaient leur dire les Moonstruck. C’est vrai qu’un mec qui débarque de nulle part, en prétendant qu’il vient du futur, c’était un peu tiré par les cheveux ('Bonjour, avez-vous déjà entendu parler de jesus du futur ?' ). Mais c’était pourtant la vérité. Certains le comprenaient, mais n’en avait rien à cirer. C’était sans doute le cas d’Hannibal (à moins qu’il ne prenne Zeph pour un grand illuminé et qu’il ne le garde dans son gang que par charité, mais cela ne semblait pas trop être le style du bonhomme.) C’était bien évidement une connerie. Refuser d’entendre ce que pouvait bien vouloir dire une personne venu de ce qui arriverait un jour car on sera déjà mort, c’était comme dire non aux numéros du prochain tirage du loto sous prétexte qu’on aime pas les jeux d’argent. Ou profondément égoïste, ça dépendait des points de vue. Et Zephyr n’irait certainement pas dire à Hannibal qu’il le trouvait égoïste. Il n’avait pas envie de se prendre une tarte capable de lui dévisser le crâne. Non merci. Passe son tour. Déjà qu’il pouvait sentir le regard terrifiant de son boss le transpercer de part en part.

La suite fut néanmoins plus surprenante. Il ne s’attendait pas à être littéralement invité à entrer (car c’est bien ça qu’il venait de se passer non ? Il avait parfois un peu du mal avec la manière dont les aïeuls du 3ème millénaire maitrisaient le second degré.) En fait il s’attendait plus à se faire claquer la porte au nez. Mais en fait non. Finalement, Mr. Somerset n’était pas forcément ce qu’il semblait être (aka un chef de gang qui a fait de la taule pour avoir tué sa femme), même si il en avait carrément la carrure, et la tête. Prenant le chat qui semblait s’être amouraché se ses jambes dans ses bras pour pouvoir marcher correctement, Zephyr hocha respectueusement  de la tête et pénétra dans la demeure du grand patron. Littéralement envahie de chats. Définitivement pas ce à quoi il s’attendait. Il cligna plusieurs fois des yeux avant de sourire poliment. Ok, c’était un peu bizarre, mais qui était-il pour juger quelqu’un de 10cm de plus que lui et pesant un bon kilo de muscle ? Personne. Pas suicidaire pour un sous, le Zeph. « Les chats existent encore là d’où je viens. » lâcha-t-il, pour essayer quand même de faire un peu de conversation histoire que ça soit un peu moins bizarre. « Mais eux aussi sont victimes des maux de mon époque, malheureusement, comme tout être organique. » Et en disant ça, il ne cherchait pas à convaincre Hannibal d’épouser la cause futuriste (enfin…) mais c’était tout simplement un constat qui lui était venu. Il n’y avait pas pensé plus tôt. Si les chats se faisaient aussi zigouiller par les robots, il y avait très peu de chance qu’ils aient mis cela en place. A moins qu’eux aussi n’aient été dépassés par leurs créations et devenues victimes. C’était à creuser. « Comment ils s’appellent ? » demanda-t-il en désignant tous les chats du menton, non sans continuer de caresser le sien, par pure curiosité, bien entendu. Si Hannibal collectionnait les matous, il fallait se montrer intéresser. Etre proche du chef de meute, cela avait toujours été une bonne technique de survie, intemporelle.

Zébulon, Nil, Lester, Harpie..., c’était..mignon. Mais aussi très culturellement inspiré. Intéressant d’ailleurs, de voir que chaque chat semblait avoir un nom relié à une référence culturelle et pas qu’ils s’appelaient Félix ou Chocolat ou Boudin. Le fait de nommer quelque chose était aussi une preuve d’attachement. Ainsi, Hannibal possédait donc une affection particulière pour ses félins. Un peu surprenant, il fallait bien l’avouer, mais cela n’altérait pas aux yeux de Zephyr l’image de son chef. On pouvait toujours être flippant et aimer les chats. Preuve en était tous les méchants de la culture populaire des siècles voire millénaires passés qui caressaient leur chats d’une main gantée, le dos tourné au héro.
Non, la vraie question était "est-ce que les chats d’Hannibal lui avaient donné un nom ?" Lui rendaient-ils l’affection qu’ils recevaient ?  Comment se glisser dans l’esprit d’un chat ? Et pourquoi Hannibal n’avait-il pas nommé l’ensemble de ses compagnons présents dans la pièce ? Etait-il gêné ? Pensait-il que d’avoir des chats était un obstacle à sa masculinité ? Décidément, les gens du 3ème millénaire avaient énormément de problèmes avec la virilité. Ils étaient encore plutôt en retard sur le plan de l’égalité notamment sociale ou mentale. Sans doute un trait des hommes cela dit.

Ok, sa tentative d’aborder le futur à travers les chats avait échouée. Et c’était désormais assez clair que si Zephyr ne faisait que prononcer "futur" encore une fois, il se prenait un poing, ou pire, dans la face, ou ailleurs, quelque part d’encore plus douloureux. Et ce n’était pas une situation dans laquelle Zephyr voulait se retrouver, au contraire ; il n’avait aucun intérêt à se mettre le chef à dos, clairement pas. Son point de vue était juste, Zeph ne pouvait dire le contraire. Il avait été extrêmement déçu de la manière de penser des gens du passé lors de ces premières semaines ici. Ils ne semblaient penser qu’à eux, au présent, et n’avoir aucun intérêt pour le futur. Pourtant,  en se tournant vers le futur, on progressait. La technologie, le monde avançait car certaines personnes pensaient vers l’avenir, mais ce n’était pas le cas de la masse. Pourtant, Zephyr avait arrêté de juger, même si il continuait de trouver ça idiot ou égoïste, les personnes qui ne pensaient pas à ce qui adviendrait bien plus tard. Pourquoi ? Car il avait tout simplement repensé à sa situation. Quand le futur était encore son présent, il pensait assez peu à ce que serait le monde 10 ans, 100 ans ou même 1000 ans après. And then shits happens. Et à ce moment-là, ce n’était que quand la possibilité même d’un futur avait disparue, qu’il s’était rendu compte de son erreur.

Mais il ne voyait pas comment expliquer  ça à Hannibal sans se faire tuer. D’autant plus que leur chef avait l’air particulièrement préoccupé, et que pour une fois, il le montrait. Bon, Zephyr était quand même un peu en incruste chez lui, et c’est pour ça qu’il avait accès à une telle vision, mais quand même. « Il y a…un problème ? Vous semblez soucieux. Cela a-t-il à voir avec le Gang ? Dans ce cas je ferais mon possible pour vous aider. Et si c’est heu…personnel, et bien…je suppose qu’il est aussi de mon devoir de vous porter assistance. » Oooook…c’était un peu bizarre dit comme ça, mais Zephyr voulait bien faire. Y’avait plus qu’à espérer que ce soit un problème pour s’endormir et rien de plus compliqué ou…embarrassant.

En voyant Hannibal se redresser, Zephyr fut frappé par une réalité qui lui avait jusque alors échappée. Si son chef ne s’intéressait pas au futur, ce n’était pas car il était trop concentré sur le présent, mais au contraire car il n’en voyait sans doute pas l’intérêt. Effectivement, si on ne comprend pas les raisons de son existence actuelle, si ce que l’on vit quotidiennement n’a aucun intérêt, alors l’avenir est une chose très abstraite, dénudée d’intérêt, d’autant plus quand il est éloigné. Pourquoi s’intéresser à ce que l’on ne vivra même pas quand on ne sait déjà pas pourquoi l’on vit ? C’était un état d’esprit que Zephyr connaissait bien, malgré lui, et pour rien au monde il ne se serait permit de juger Hannibal sur cet état de fait.
Cela dit leur conversation avait pris une tournure intéressante…ou du moins surprenante. Jamais Zeph n’aurait pensé recevoir telles confessions de la part de son chef. Ou en tout cas pas aussitôt. Après tout il n’était dans le gang que depuis quelques semaines, et même si il faisait du zèle et savait se rendre utile avec son pouvoir ou ses connaissances, il ne pensait pas qu’on lui fasse confiance. D’ailleurs, Hannibal ne lui faisait pas confiance, il le sentait bien, mais pourtant, le voilà qui se laissait aller aux confidences. Peut-être que l’ambiance s’y prêtait ? En tout cas, Zephyr était tout ouï, adossé contre le mur de la fenêtre, la lumière du soleil en déclin se reflétant sur ses verres.

Il connaissait le passé d’Hannibal, c’était chose connue au sein du gang, et il s’était également renseigné. Par curiosité, sa plus grande tare, mais aussi car malgré les apparences presque accidentelles de tout ce qui se dressait sur son chemin, Zeph ne laissait pas grand-chose dans les mains du hasard. Si le destin le menait quelque part, il était toujours plus agréable de contrôler les conséquences, et c’est ce qu’il s’efforçait à faire. Comment prétendre influencer le futur quand on est déjà incapable de contrôler sa propre vie ?
Les accusations portées par son chef auraient pu être vexantes si elles n’avaient pas un fond de vérité. Bien entendu, Zephyr essayait de le porter à sa cause, mais il possédait quand même un semblant d’estime de soi, et ne se serait pas permit d’agir précisément comme le pensait Hannibal ; ça aurait été et trop facile et inefficace. Après les dernières paroles de son boss, Zeph eut un petit rire et remonta ses lunettes en haut de son nez avant d’hausser légèrement les épaules « Réussir à vous berner serait un accomplissement dont je pourrais me venter. »

Il est vrai que mettre le chef du gang du Nord dans sa poche serait une belle réussite, mais ce n’était pas, en tout cas pas en ce moment, l’objectif principal de Zephyr, et ce dernier ne montrerait pas ses cartes si facilement. « On est pas toujours ce que l’on aurait voulu être, ou même ce que les autres pensent de nous » Il eut un petit moment de silence, comme pour accentuer le double sens de ses mots, faisait-il référence à ce que venait de dire Hannibal, ou parlait-il de lui-même ? « En tout cas nous avons bien plus de points communs qu’on pourrait  croire. Notamment en ce qui concerne la fin de vie des personnes auxquelles nous étions liés » En prononçant ses paroles, les doigts de Zephyr étaient allés saisir le collier qu’il portait en permanence autour du cou, une chaine fine au bout de laquelle pendaient deux bagues au design épuré ; des alliances, à ne pas s’y tromper. Il venait de livrer une information, ou en tout cas l’esquisse d’une information, connue de fort peu. Mais c’était un choix qu’il avait fait, un pion qu’il avait décidé de bouger. Car après tout, n’était-il pas entré dans un espèce de jeu avec Hannibal ? Au fond, Zephyr avait aussi beaucoup en commun avec les félins si appréciés de son chef ; il avait toujours faim,  adorait faire la sieste, mais n’en restait pas moins joueur, ou calculateur, ça dépend des points de vue.

La curiosité était quelque chose qui s’allumait d’un coup, un peu comme quand on met le feu à du gaz. Et Zephyr avait indéniablement allumé la curiosité d’Hannibal en mentionnant son passé. Pas n’importe quel moment d’ailleurs, l’un des plus sombres, des plus regrettables. Ce n’était pas forcément un souvenir dont Zeph aimait se rappeler, mais il revenait de lui-même hanter sa mémoire de manière quasi permanente. En tout cas il avait toute l’attention de son chef, mais attirer l’attention n’avait jamais tellement posé problème à une personne comme Zephyr, même si il savait aussi parfaitement la perdre. Non, cela signifiait surtout que le pion qu’il avait avancé avait fait mouche et que le jeu progressait. Il n’y avait ni règle ni but, ni perdant, ni gagnant, ce n’était même pas forcément drôle ou agréable, mais cela n’en restait pas moins un jeu de l’esprit et ça constituait un bon passe-temps.

Évidemment, avoir comme point commun le meurtre d’un être cher n’était pas forcément une chose dont il fallait se réjouir. Ils n’étaient pas aux tueurs de conjoints anonymes ou même en train de s’en réjouir, au contraire, Zephyr était prêt à parier qu’ils trouvaient tous les deux cette coïncidence tout à fait regrettable.  Elle l’était d’ailleurs. Qu’il-y-a-t-il de plus regrettable que de mettre fin aux jours d’une personne que l’on apprécie, que l’on va jusqu’à aimer ? Sans doute assez fort peu de choses.
Sans bouger dur mur où il était adossé, il observa son chef s’approcher, mais pas trop près non plus, et poser la question qui fâche. Zephyr était-il directement responsable de la mort de cette fameuse personne qui lui était cher, comme il l’avait sous-entendu, ou avait-il seulement assisté à la chose. L’homme du futur eut un nouveau sourire avant de sortir quelque chose de sa poche, une petite tige de fer dotée d’un bouton à l’une des extrémités. Il le poussa et l’autre bout s’alluma aussi tôt d’une petite lame verte. « Scalpel laser, ça tranche la peau et les os sans aucune résistance. C’est ce que j’ai utilisé. » La confession était faite, l’arme du crime éteinte et rangée dans sa veste aussi vite qu’elle en était sortie. Mais Zephyr n’avait pas fini sa démonstration.

D’une foulée il franchit sa distance qui le séparait d’Hannibal, devant presque se mettre sur la pointe des pieds pour compenser la différence de taille entre lui et la montagne qu’était son boss, il passa un bras par-dessus son épaule et alla poser deux doigts sur un point très précis de la nuque de son vis-à-vis « Je l’ai enfoncé ici, pile dans la moelle épinière puis j’ai remonté le long du cervelet jusqu’au milieu du cerveau » ses doigts suivaient ses descriptions, et une fois arrivés plus haut, il retira sa main qui retourna dans sa poche tandis qu’il remettait une distance de sécurité entre eux. « Une mort propre, extrêmement rapide, et le plus important, sans douleur. » Un des chats de son chef, celui qui semblait avoir un amour particulier envers ses jambes, revient se frotter à lui et Zephyr se pencha pour le prendre dans ses bras et le caresser, lui flattant la tête. « On fait parfois des choses regrettable. Des fois sans vraiment savoir pourquoi, des fois car on a pas le choix. »

Il avait volé, littéralement. Le chat qu’il portait avait dû sentir la menace arriver, car il avait filé. Et le temps que Zephyr comprenne ce qui lui arrivait, son corps avait déjà claqué contre le sol en un boum sonore. Heureusement que c’était boum, plus que crack, cela dit. La douleur elle fut instantanée, irradiante, le long de la colonne vertébrale, de l’épaule qui avait absorbé le choc en premier, à l’arrière de son crâne qui avait cogné contre le parquet, dans son poignet, compressé par la main géante d’Hannibal. La scène aurait pu avoir une certaine ambigüité, ce n’était pas le cas.  Le silence lourd et le regard fou de celui qui maintenant une emprise de fer sur Zephyr rendait la situation encore plus terrible. L’homme du futur le savait par son cœur qui voulait s’arracher à sa poitrine, par le rush d’adrénaline, par ses pupilles sans doute dilatées, et ses muscles tendus ; il avait peur. L’instinct de fuite s’était déclencher en lui et s’il n’avait pas eu un contrôle de ses gestes, il aurait déjà essayé de se carapater. C’était quelque chose de fondamentalement primaire, d’animal, cette peur. Mais heureusement le cerveau primait sur le corps et il était resté immobile. Ca valait peut-être même mieux ainsi.

La sentence était tombée. Ne plus jamais faire ça. Non, effectivement, c’était noté, bien mémorisé, il éviterait à l’avenir tout contact + ambiance de je suis un gros psychopathe avec son chef. Bien compris. Tandis qu’Hannibal se redressait, Zeph lui restait sur le sol à observer le plafond. Il avait déjà fait taire la douleur qui traversait son corps avec l’aide de son pouvoir, mais il ne le sentait pas trop de se relever tout de suite. Non, le plafond était intéressant. Joli plafond. Puis vint la phrase finale d’Hannibal. On a toujours le choix. Zephyr aurait eu plusieurs manières de réagir à cette situation, à cette sortie philosophique du mois, mais il ne fit rien d’autre qu’éclater de rire sur le sol. C’était peut-être pas la meilleure des choses à faire dans sa situation. Peut-être que la disparition de la douleur annihilait ses instincts de survie. Mais entendre cette phrase, maintenant, avec les connaissances qu’il avait, concernant Hannibal, concernant les choix difficiles, concernant l’avenir même où il n’y avait plus eu aucun autre choix que la fuite, ce mélange lui avait paru soudainement tellement comique qu’il n’avait pu retenir son rire. Un rire long, un peu fou, qui venait du fond du cœur.

« Pardon » lâcha-t-il après avoir réussis à maitriser son rire, en se redressant difficilement, essuyant les larmes qui avaient perlé au coin de ses yeux. « C’était inattendu » Il se remit sur ses deux jambes, un peu difficilement, remuant son épaule blessée et massant sa nuque. « Me frappez pas » c’était une demande un peu craintive, mais surtout très sérieuse « vous avez sans doute raison, mais c’est quand même le genre de réflexion qu’on fait qu’après un choix qu’on regrette ou après ne l’avoir justement pas eu, ce choix. » Il essayait de ne pas être provocateur, mais le côté Hannibal roi des philosophes appuyait un peu sur sa logique habituelle.

Aaaah et en fait il avait clairement épuisé le quota de patience de son chef. C’était à prévoir. Maintenant Zephyr savait jusqu’où il pouvait aller, comment se dessinaient les limites et comment les dépasser. C’était pratique, surtout qu’il s’en sortait sans trop de problèmes. Bon, il aurait quelques bleus demain et il faudrait qu’il évite un peu Hannibal le temps que ça se calme un peu, mais il avait appris des choses intéressantes. Et sans doute fait une impression qui ne manquerait pas d’être marquante. Aussi se laissa-t-il guider jusqu’à la porte sans résistance aucune. Il y avait plus que de la colère et de l’agacement en Hannibal. Un peu de malaise se rajoutait au tout. Enfin, ça en avait l’air. C’était d’ailleurs sans doute le cas et Zephyr ne pouvait jouer l’innocent, c’était tout à fait compréhensible et il n’aurait pu le nier.

Aussi quand Hannibal lui demanda clairement de déguerpir et d’éviter de revenir trop vite, Zeph ne pouvait le prendre autrement que sérieusement. Il savait que le chef du Nord était très clairement capable de mettre fins à ses jours, et il n’y tenait pas plus que ça. Toutefois, il ne craignait pas trop pour son statut dans le gang, car Zephyr se savait utile. Le trafic d’organe avait triplé d’efficacité depuis qu’il était arrivé et il soignait gracieusement, et efficacement les membres en ayant besoin. Etre utile était un passe-partout autant qu’une protection, même si cela n’était pas sans limites. « Bien reçu. » Il ne rajouta rien d’autre avant de tourner les talons et de s’éloigner du porche, les mains dans les poches, se mettant à siffler dès qu’il fut assez loin pour que cela ne soit pas entendu et prit pour une moquerie. Il n’avait rajouté aucun trait d’humour, aucun ton, aucune remarque. Zephyr savait ce qu’il valait mieux pour lui, et obéir était ici la meilleure des choses. Tirant dans une vieille cannette sur sa route, il prit celle des beaux quartiers, histoire d’aller « réquisitionner » un appartement pour dormir confortablement après son vol plané et son brusque câlin au sol. Il faudrait aussi qu’il essaye de voir Faelan pour essayer d’arrondir les angles avec Hannibal. Il était arrivé devant cette porte en essayant de savoir si les chats voulaient dominer le monde, il en était reparti sans solution à cette question, mais avec des réponses à beaucoup d’autres.

[RP TERMINE]