Les hasards de la vie ▬ ft. Alekseï Von Jäeger

Un jour tu arrêteras de tout oublier partout. Mais c’est pas pour tout de suite.

Il y a quelques semaines, deux au maximum, tu cherchais un abri pour la nuit quand tu es tombé sur un magnifique appartement. Le propriétaire devait être parti depuis quelques temps déjà car la poussière s’était largement accumulée dans tous les recoins. Tu n’y as rien volé, enfin normalement. Maintenant que tu y penses un de tes oreillers vient surement de là. Tu n’as peut être pas de chez-toi mais ça ne t’empêche pas d’amasser tout un tas d’affaires dans ta planque d’Andromeda (qui est en réalité une poubelle dans une ruelle glauque). Pourquoi retourner là-bas ? Pas pour y dormir, le lit était trop inconfortable. Non, tu veux reprendre quelques affaires à toi que tu juges trop précieuses pour les abandonner.

Ce que tu ne sais pas encore, c’est si d’autres personnes sont passées squatter après toi … ou pire s’il y a de nouveaux occupants. Raison pour laquelle tu n’es pas parti sans arme, pour une fois. Bon, ta conception de l’arme est assez différente du commun des mortels, mais un sac de poils à gratter c’est mieux que rien du tout. Et puis ce n’est pas avec ton pouvoir d’annulation et tes cinquante-cinq kilos tout mouillé que tu représentes vraiment une menace.

Tu pars donc pour Velvey dans l’Est d’Equilibrium. Ce n’est pas dans le territoire de ton gang, mais comme les conflits te passent au-dessus de la tête tu ne t’inquiètes pas. En fait, il serait plus juste de dire que tu ne t’en inquiètes plus. Il y a encore quelques temps tu n’aurais pas pu quitter Andromeda sans avoir une boule au ventre. Mais depuis on t’a ouvert les yeux sur le monde, qu’Il t’a ouvert les yeux, beaucoup de choses ont changé. Ce n’est pas en restant reclus et caché sous un banc, que tu peux empêcher le mal d’arriver jusqu’à toi. Alors tu visites, tu rencontres des gens, tu laisses traîner tes oreilles un peu partout. Ton job d’homme à tout faire ne te permet pas encore de rouler sur l’or, mais tu peux manger à ta faim et c’est tout ce qui compte.

Sur le chemin tu t’arrêtes dans une boutique de fringues, pour changer. Tu te regardes dans le miroir. Tee-shirt noir avec une tête de mort arc-en-ciel dessus, blue-jean slim troué au niveau des genoux, converses noires en tissu, un accord parfait qui selon toi mettra en valeur tes cheveux rose pâle. Il te manque juste un élément. Tu parcours le petit magasin du regard et vois une veste en cuir. Un classique indémodable. Tu files à la caisse pour la payer avant de reprendre ta route.

Il n’y a presque personne à une heure aussi tardive. Les gens sont rentrés chez eux, bien tranquillement assis devant la télévision, à regarder un programme stupide « en famille ». Tu détestes ce terme. Pour toi la famille c’est quelque chose qui s’accroche à toi comme la boue colle à tes chaussures. Tu ne la détestes pas vraiment, c’est juste que moins tu la vois et mieux tu te portes. Tu es grand et tu vis ta vie, tu ne veux ni de leur aide ni de leur accord pour habiter à Equilibrium ou partir à la rencontre d’un mec étrange dans les égouts.

En passant devant, tu entres dans une boulangerie pour prendre un chocolat chaud et une viennoiserie. Tu espères classer cette affaire avant le lever du soleil mais bon … avec ta chance tu vas surement avoir des problèmes alors autant remplir ton ventre maintenant. En repartant en direction de Velvey, tes oreilles trainent un peu, écoutant des brides de conversations. Tout tourne autour des gangs bien entendu. Mais tu es étonné par les réactions, certains les apprécient, d’autres non, tout dépend de l’âge des personnes. Toi, tu n’as aucune opinion. Tu fais partie de l’Ouest pour avoir un lit et à manger quand tu es en galère, rien de plus. S’ils font la guerre tu ne les aideras pas, et s’ils se font tuer tu ne pleureras pas. Ce n’est pas de la méchanceté, tu n’as juste aucun intérêt à te battre pour un groupe que tu ne connais pas.

Finalement tu arrives devant un immeuble d’habitation. Rapidement dans les étages, tu t’arrêtes devant une porte. C’est là. Tu fouilles dans tes poches pour en sortir des tas de choses improbables : des emballages de bonbons, des tickets de courses, de l’argent et finalement une clef. A quel moment te l’es-tu procuré ? C’est une excellente question. Elle devait certainement traîner sur le coin d’un meuble, et tu t’es servi. Tu la fais rentrer dans la serrure, et la fait tourner délicatement. « Ouf c’est la bonne », oui parce que ce n’est pas la seule clef d’appartement que tu as en ta possession … Tu entres dans l’appartement, mais il fait trop sombre pour que tu puisses juger la propreté des lieux.

Avec le plus léger possible des pas, tu t’avances en essayant de te souvenir des lieux mais c’est compliqué. Et puis soudain tu t’arrêtes. Tu vois une lumière dans une pièce, et une silhouette se dessiner. Homme ou femme ? Tu ne peux pas vraiment juger mais ça ne te rassure pas vraiment. Les squatteurs ne sont pas connus pour être des gens très agréables. Les mains dans le dos, tu es prêt à balancer ton sac de poils à gratter sur ton adversaire. Tu t’approches de quelques pas, jusqu’à être à cinq mètres environ de l’autre et lances d’une voix innocente : « Salut, tu n’aurais pas vu de la teinture bleue pour cheveux par hasard ? ». Autant aller droit au but, ton envie de rester ici diminue un peu plus à chaque seconde. Finalement, tu n’as pas eu l’idée du siècle en voulant revenir dans cet appartement …

Song | Color. #B5E20B | by nutty