| Aller à la page :  1, 2 | | |  2016-03-04, 12:43
Zephyr lâcha un petit rire à la réflexion de l'autre homme. Il avait raison dans un sens, mais le docteur refuserait de lui accorder cela. Ils n'étaient pas fait pour s'entendre, c'était certain, c'était écrit. Il y avait quelque chose qui s'heurtait dans leurs caractères, des manières de penser qui n'étaient pas semblables et qui ne pouvaient pas s'accorder. Il y avait une dissonance entre eux, inchangeable. Zephyr ne tenterait pas de devenir ami avec un tel homme, il n'en avait pas l'envie, et il se doutait que la même chose était valable de l'autre côté. Sans aller jusqu'à se détester, il y avait une sorte de mépris mutuel inéluctable. Ils ne s'aimeraient jamais, c'était écrit. C'est une chose qui arrive, on ne peut pas plaire à tout le monde, et le monde tout entier ne peut pas nous plaire. Zephyr ne s'en faisait pas; de toute manière il n'avait jamais prétendu vouloir s'entendre avec tout le monde, c'est loin d'être son objectif, on pourrait même dire que dans un sens cela s'y oppose. Aussi qu'il s'entende ou non avec cet homme ne changerait rien à sa vie. Ce n'était qu'une rencontre de plus, et elle n'aurait pas d'influence sur son destin.
"Ils servent aux membres du gang les plus démunis" quand on parlait de bonnes œuvres. Les vêtements des morts qui vêtissent les plus pauvres. Et c'est à son opposé que Zephyr avait proposé d'en prendre; un homme qui se prétendait riche et faisait attention à ce qu'il portait. L'ironie était claire, mais il ne faisait qu'afficher des faits, les membres du gang du nord n'avaient pour la plus part pas autant de revenus que ce cher homme, et des vêtements gratuits étaient parfois tout ce qu'il fallait à certains; il n'y avait que les riches pour faire la fine bouche. "Nous en avons terminé pour aujourd'hui, vous n'êtes pas obligé de rester, sauf si vous voulez vraiment m'aider à faire le ménage." Oui, c'était le bon docteur qui s'occupait de nettoyer. Tout le monde n'avait pas les tripes nécessaire, ou même le savoir faire, pour s'occuper de faire disparaître un corps et les traces de sang correctement. Pour le corps c'était simple, le gang avait un incinérateur assez puissant et c'est là que disparaissaient les cadavres. Pour le sang un fallait un bon poignet, savoir frotter et de la patience. Le but était de rendre l'endroit le plus sain possible, car ce lieu servait aussi à soigner les blessés du gang, et les germes étaient rarement les bienvenus dans ce cas. Il ne lui proposait pas de rester; à vrai dire il espérait même qu'il partirait; il avait passé assez de temps en sa présence; plus lui serait désagréable.
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| | | | | 2016-03-06, 20:18 Ne pas s'entendre avec quelqu'un, ça pourrait être un drame dans certains cas.
A supposer que l'homme en question soit riche et influent en ville, oui, tu y perdrais grandement. D'ailleurs, si c'était le cas, tu ne te permettrais certainement pas de te comporter ainsi ; tu réfrènerais ton mépris et tu deviendrais certainement l'homme le plus servile au monde. Nécessité fait loi. Toi aussi, tu connais cet adage ; tu l'expérimentes simplement en des temps différents que les gens normaux. Tu ne considères pas que les membres de ton gang te sont supérieurs, cela dit ; ils te sont inférieurs, c'est manifeste - et en particulier ce médecin-là. Alors, si on te déteste, est-ce vraiment un problème ? Pas vraiment ; tu as tendance à croire que dans les courants de la délinquance, le plus important, c'est de savoir travailler ensemble. Le reste est accessoire. Tu crois que tu pourras opérer pour ce gang, sous certaines conditions ; tu crois aussi que tu pourras obtenir quelque chose d'eux. Tu ne sais pas quoi. Tu pourrais avoir du respect pour leur résistance au désespoir. Et peut-être qu'il te changera, aussi - te fera voir que la pauvreté n'est pas un crime, et que tu devrais au contraire leur prêter secours avec plus de condition. Peut-être que lui pourra y arriver.
Mais dans tous les cas, tu sais que tu n'aimeras jamais cet homme dont tu ne connais pas le nom.
Et tu te soucies peu de savoir comment il s'appelle, d'ailleurs.
Sa tête seule lui suffit.
Apparemment, les vêtements servent aux membres démunis. Tu lèves les yeux au ciel mais ne dis rien. S'ils ont vraiment besoin de vêtements, ça ne coûte pas si cher que cela. Certes, se faire de bons vêtements sur mesure n'est pas à la portée de toutes les bourses, et pour le moment, même toi tu préfères économiser cette somme. Cela dit, il existe de prêt-à-porter vraiment peu cher, tu ne comprends pas vraiment comment on peut ne pas avoir les moyens de se le payer. Dis-tu, alors qu'il y a eu un moment où tu n'avais rien dans les poches et où tu n'aurais pas pu non plus. Comme il est facile d'oublier ces traces de honte.
« Non, merci, faîtes-le tout seul, votre ménage. Bonne journée, monsieur. »
Parce que malgré tout, tu ne peux t'empêcher de souscrire à quelque formule de politesse, quand bien même cela ne vous aidera nullement à finir en bons termes - non que tu ne le souhaites, d'ailleurs. Tu ne peux tout simplement pas ne pas lui dire au revoir, cela ne se fait pas, cela va à l'encontre de tous tes principes. Tu le quittes donc, sans toucher aux vêtements.
Avant de repartir, il faut que tu passes aux toilettes.
Tu te poses dans le miroir fêlé pour t'observer. Tu ne vois que les taches de sang sur ton costume ; tu devrais au moins essayer de les faire partir si c'est possible, au risque de les diluer. Mais surtout, ce qui t'interpelle, c'est ton visage. Tu es pâle comme un linge, comme si tu étais sur le point de vomir - alors que tu te sens très bien. Peut-être es-tu plus perturbé par cette expérience que tu ne veux bien l'admettre. C'est bien : c'est qu'il reste un peu d'humanité au fond de toi, Côme. Serrant les poings, tu te jures que si tu recroises le chemin de ce médecin, c'est lui qui passera un mauvais quart d'heure. |
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