l'enfant du paradis – arletty

MERRY-GO-ROUND OF LIFE – De sa démarche d’enfant gracile, Arletty, sourire en coin et yeux pétillants, attise la curiosité des passants. Surprenante demoiselle qui se fiche de tout ; elle raisonne comme à huit ans, se figure le monde comme une enfant – la terre entière comme un terrain de jeu, et les êtres vivants comme des pions guidés par une sorte de « dieu ». Poupée rayonnante, à la voix envoutante, qui se plait à jouer ses cartes sans ordre ni raison ; poupée charmante et polie, qui plutôt qu’avancer en marchant préfère voler en dansant.

De ses mouvements gracieux et fragiles, Arletty, bouche en cœur dissimulant des aspects bonimenteurs, se rit des ragots qu’on étale à son propos. Troublante demoiselle qui se moque de vous ; elle avance seule parmi la foule – elle se meut comme une danseuse au milieu du monde, seule et farouche, se voulante forte et déterminée. Poupée aux airs innocents, aux charmes surprenants, qui se garde bien de se laisser dérouter par le premier venu ; poupée au rire d’enfant ingénue, à la parole amusée, qui te prend par la main pour mieux t’envoyer valser.

De ses manières délicates et volatiles, Arletty, sourire d’artifices et mimiques fallacieuses, amuse le monde comme elle s’amuse de lui. Délicate enfant qui n’a que faire de nous ; elle s’explique l’Univers comme elle l’entend et s’est fabriqué son propre monde depuis longtemps – elle raconte ce qu’elle veut, et l’honneur d’inventer le reste revient aux passants. Poupée rieuse, poupée moqueuse, qui s’amuse de ce monde-jeu dans lequel elle se sent libre de faire ce qu’elle veut ; poupée de porcelaine qui se croit trop brisée pour y perdre encore ne serait-ce qu’un peu.

DADA LA – Il y a des lieux, des histoires qu’on préfère fuir à tout prix. Des vies qu’on regrette et qu’on aimerait pouvoir effacer d’un revers de la main. Toute petite déjà, Lily-Jude Ambrose dissimulait les plaies de son foyer à travers des sourires d’enfant effrontée. Tout petite déjà, elle rêvait de s’envoler pour un ailleurs un peu meilleur. Il y a des vies pour lesquelles on est prêts à tout, à tout pour les délaisser ; même à se dégrader au point de se perdre soi-même. Faire ses propres erreurs pour effacer celles des autres – puis enterrer les siennes en prenant le large.

On dit que les départs donnent l’illusion de la renaissance. Arletty est de ces fleurs qui éclosent pour la seconde fois et qui se fanent trop vite, après s’être largement enivrées, regrettant le parfum de leurs premiers printemps. Bercée par les phantasmes qu’elle a cru voir devenir réalité, alors qu’elle n’a fait que les frôler, grisée par les mirages dans lesquels elle a plongé tête baissée, exaltée face à ce monde dans lequel elle a naïvement confondu songes et matérialité, l’automne l’a emportée comme une feuille morte.

Il y a des vérités qui éclatent, un jour ou l’autre ; des réalités qui frappent, au plus profond de soi-même, comme des évidences. Des certitudes qu’on s’évertue à camoufler aux autres, alors qu’on sait, au plus profond de son égo, que tout cela est faux. Et pourtant confrontée à ces faits, à cette existence qui est venue la heurter de plein fouet, Arletty persiste à feindre des vies qui ne sont pas le siennes, à fabuler des destins qui ne lui appartiennent pas – encouragée ou encourageant les « on dit » à son propos.

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