histoire • L'air frais de l'hiver englobe le petit Nils. Il a bien mis manteau et bottes comme papa et maman lui ont dit et va maintenant courir dans la neige. Entendre le blanc craquer sous ses pieds est si agréable. Papa ne va pas venir avec lui cette fois ; il a dit qu'il était fatigué mais ce n'est pas grave. La neige est son amie, elle l'attend. Le rythme de la marche s'accélère. Sans s'en apercevoir, il s'élance sur la mer blanche. Bientôt, les vêtements chauds sont trop lourds à porter, les bottes chaudes l'enchaînent au sol. Rien ne l'enchaînera. Il s'en débarrasse pour courir plus à l'aise. Pieds nus et en tee-shirt, un enfant court dans la neige. Vicieux, le froid s'immisce en lui. Il sent trop ses pieds ; la brûlure du froid lui lacère la peau. Pour se réchauffer, il remet son fardeau et rentre à la maison. Ses parents voient bien qu'il est mouillé et le grondent, plus inquiets que fâchés. Les mots ne parviennent pas jusqu'à son cerveau, il est encore dans la neige. Sa passion pour la liberté est déjà trop forte pour qu'il écoute ses parents.
Une dame est entrée dans la maison, ses parents l'ont accueillie et la lui ont présentée. Elle va lui donner des cours d'anglais supplémentaires. Il ne sait pas trop pourquoi. Pour faire plaisir, il essaie du mieux qu'il le peut mais ne peut pas grand-chose.
Cette fois-ci, le paquet est long est large. Les petites mains déchirent le papier et découvrent un hoverboard. Il lève alors ses yeux brillants vers papa et maman et les remercie pour ce merveilleux cadeau d'anniversaire. L'objet en lui-même n'est pas très grand et pas très performant parce que papa et maman n'ont pas eu les moyens d'en offrir un meilleur mais il l'adore. Il court dehors pour l'essayer et la joie l'envahit. Il vole. Ça y est, il s'approche enfin du ciel qu'il a toujours regardé avec des yeux brillants. Il se met à en vouloir toujours plus alors il demande à papa de l'aider pour modifier son nouveau jouet. Et puis il s'intéresse à d'autres machines qu'il veut aussi bidouiller. Quand quelque chose tombe en panne, il aide papa à tout réparer. Peu à peu, il apprend qu'il peut faire quelque chose de ses mains.
« Nils, nous allons déménager. »
Il faut faire les bagages, choisir ce qu'il va garder. Bien sûr, le vieil hoverboard fait partie des affaires qu'il emporte avec lui. Une dernière fois, il quitte la maison familiale avec ses affaires. Il se retourne vers celle-ci avant de partir, comme pour ancrer l'image dans ses souvenirs et rentre dans la voiture. Il ne se sent pas triste ; il n'a pas d'amis ici. Son seul ami est le ciel et il le suivra n'importe où. La neige va lui manquer mais il va s'habituer, il est jeune. Les paysages défilent derrière la fenêtre. Il essaie d'imaginer l'endroit où ils vont. Papa et maman lui ont dit que là-bas, la technologie était encore plus avancée qu'à la maison. Cette idée le fait rêver mais ce n'est qu'une fois arrivés que ses yeux se mettent réellement à briller. Les lumières de la ville sont magnifiques.
Ils s'installent dans un petit appartement, dans le quartier Ouest. L'anglais est difficile à maîtriser. Nils a du mal à suivre les cours, du mal à suivre les autres aussi. Certains lui ont demandé ce que faisaient ses parents, il n'a pas su répondre. Le soir-même, pendant le repas, il cherche une réponse aux questions.
« Papa, tu fais quoi comme travail ? »
Il semble surpris de la question, pose sa fourchette puis se met à sourire.
« Je suis messager; je transmets des messages. »
« Mais il n'y a pas déjà les mails pour ça ? »
Un éclat de rire fend la salle à manger. Nils ne comprend pas ce qui est drôle, il se sent même frustré de ce rire qu'il n'explique pas.
« Bien sûr que si mais moi je transmets des messages spéciaux. »
La curiosité est avivée, les yeux bleus s'illuminent.
« Waah ! Quel genre de messages ? »
« Des messages tellement importants que des méchants veulent m'en empêcher. »
Son papa est un héros. Il l'a toujours su. Lui aussi aimerait être fort, comme son papa alors il lui demande s'il pourrait faire comme lui. De temps en temps, papa prend le temps de lui montrer ce qu'il fait. Il lui montre comment franchir une barrière, même si elle est très haute. Il lui explique qu'il faut éviter les caméras et que son ami lui dit où elles sont pour qu'il le puisse. Papa lui dit même qu'il deviendra plus fort que lui mais Nils n'y croit pas ; personne n'est plus fort que son papa. Malgré ça, il tente toujours de courir plus vite, de voler plus haut. Les barrières sont plus faciles à franchir, les sauts s'étendent. Il va bientôt s'envoler.
Maman lui a dit de venir. Il accepte, choisissant ainsi d'interrompre son bonheur quelques instants. La porte glisse et Nils entre dans l'appartement. Un jeune garçon qu'il ne connaît pas est assis sur une chaise. Maman lui explique qu'il s'appelle Rumen, que son grand-père travaille avec elle. Elle aimerait qu'ils s'entendent bien. Rumen ne court pas aussi vite que lui mais continue à lui courir après. Il sait beaucoup de choses, veut en apprendre encore plus et entraîne Nils avec lui. Tous les deux, ils ont volé à travers la ville. Ils ont été libres. La liberté est la chose la plus intime que l'on peut partager. Nils la partage avec plaisir avec Rumen ; il le considère un peu comme son frère.
Papa n'est pas rentré, cela fait des jours qu'il est parti. Maman est inquiète, elle ne sait pas ce qu'il se passe. Elle passe son temps à appeler des gens qui pourraient savoir où est papa mais personne ne sait. Nils quant à lui reste accroché à la fenêtre, rêve le retour de son père. Il l'a cherché en ville, a ratissé chaque centimètre cube au peigne fin. Aucune trace de lui. Un des coups de fil ne s'est pas terminé comme les autres. Maman a raccroché sèchement, sa voix s'est comme éteinte. Elle lâche quelques mots, la main accrochée à sa bouche comme pour les cacher. Ils l'ont eu. Nils sent son cœur se serrer, les larmes frappent le sol. La liberté a été trop dangereuse pour papa.
Cela fait des jours qu'il ne court plus, qu'il ne vole plus. Il reste cloué au sol, enchaîné par le deuil. Rumen l'a remarqué et a interrogé la mère de Nils en secret pour comprendre.
« Pourquoi tu ne voles plus, petit oiseau ? »
« J'savais pas que t'étais poète. »
Il ne regarde même pas son ami, ses yeux sont fixés au sol qui l'emprisonne.
« Tu penses que ton père aurait voulu que tu cesses d'être libre parce qu'il n'a pas pu l'être ? »
La culpabilité l'assaille. Il ne peut pas se permettre de déshonorer la mémoire de son père en restant attaché à la terre. Il comprend alors ce qu'il va faire, ce qu'il aurait dû faire.
« Tu crois que je pourrais être libre pour nous deux ? »
« Oui. »
La décision est prise, il va rejoindre le Valhalla.
Le test d'entrée valide ses aptitudes pour être Valkyrie et lui offre des ailes pour mieux voler. Un nouvel endroit l'attend. Quand il annonce à sa mère qu'il part pour le ciel, il sent son regard triste. Elle pense qu'il sera attrapé, comme son père, et elle a déjà si mal mais il semble que c'est le destin qui pousse les oiseaux à voler alors il faut les laisser quitter le nid. À son tour, elle annonce qu'elle va se remarier et que Nils va avoir une petite sœur. Il ne sait pas comment prendre la nouvelle, réfléchira plus tard à l'attitude à adopter avec elle et quitte la maison définitivement.
L'attribution des groupes se fait, il se retrouve avec Rumen comme Odin. Pour ne pas révéler leurs noms lors de communications, il faut choisir des pseudonymes.
« Je serai Fly. »
Rumen n'est pas très doué pour les pseudonymes, ni pour les noms d'ailleurs, il le sait.
« Rumen. Tu vas me permettre de voler, tu seras mes ailes. »
Acceptant l'idée de son ami, il annonce qu'il sera désormais Wings.
Les missions se succèdent, le compagnon fait place à un autre, Altair. On ne sait pas pourquoi il a quitté l'équipe, ce n'est peut-être qu'un caprice du Valhalla. Sur son hoverboard, Fly échappe aux méchants comme le faisait jadis son père. L'esprit de celui-ci le suit, il le sent. Accompagné par Altair qui sait mieux être invisible que lui, ils délivrent les messages et ne paraissent pas sur les caméras. Wings leur dit où elles sont. Maintenant, il est libre comme il l'a toujours voulu.